Réveil au large de Saint-Martin, les dernières nouvelles du passage de l'ouragan Elsa ne sont pas très bonnes. Les dégâts faits aux Barbades sont très impressionnants et dans une moindre mesure la mer autour de Saint-Martin est par conséquence aussi très agitée. Le commandant tente malgré tout une approche de l'étang aux Poissons où nous sommes sensés passer la journée (carottages et profils sismiques) mais les creux de vagues sont toujours trop importants, ce n'est pas raisonnable de débarquer le matériel sur ce côté de l'île. Nous sommes très frustrés car cet étang était un passage important de la mission et aurait pu nous apprendre beaucoup sur les tsunamis et tempêtes de la région. De plus, cet endroit étant une réserve naturelle il nous avait fallut des autorisations spéciales ainsi qu'un suivi de nos actions dans le lagon. Beaucoup d'énergie dépensée pour rien mais c'est le jeu.


Nous décidons donc de passer au plan B qui est l'étude de l'étang Guichard sur la côte Ouest de Saint-Martin. Le bateau fait donc demi-tour et nous arrivons dans la baie de Friar alors que la journée est déjà bien entamée. Nous débarquons tout le matériel de carottage et allons inspecter cet étang Guichard. Si la baie ainsi que la plage sont ravissantes, l'étang à l'arrière plan n'a pas belle allure. L'ouragan Irma en 2017 a du transporté des déchets de tout genre au milieu de l'étang et, avec une profondeur d'eau moins d'un mètre, dépassent à la surface. L'eau a une couleur verdâtre et un mélange d'odeurs un peu inquiétantes se dégagent des rives. Le carottage ne sera pas une partie de plaisir surtout que malgré le vent, le soleil tape et ne facilite pas le travail: mais Pierre, Fabien et Maude se mettent à la tâche, les pieds embourbés dans 20cm de vase nauséabonde.


Pendant ce temps, le reste de l'équipe étudie les environs car cet étang pourrait être un site d'étude finalement particulièrement intéressant. En effet, la dune qui le sépare de la mer est bréchée et laisse place à ce qu'on appelle un "washover" : un cône de sédiment transporté par de forte vagues derrière une barrière. Ce washover à une taille impressionnante et nous suspéctons qu'il ait été créé en partie par l'ouragan Irma en 2017 mais considérant la végétation en place sur une partie du washover, il est possible que cette partie des dépôts soit bien plus ancienne. Nous réalisons donc des carottes manuellement à proximité du rivage, les mains dans la boue sableuse pour en extraire la plus grande épaisseur possible. Au bout d'une demie-journée à patauger dans la boue, l'équipe n'est pas belle à voir mais les carottages sont à nouveau une réussite: on peut apercevoir plusieurs dépôts associés à différents évènements forts. Il manque seulement les dates pour en obtenir la chronologie et pour cela il faudra attendre encore quelques mois. Nous nous rinçons dans la mer avant de rejoindre le bord.


Cette journée plutôt mal partie est finalement sauvée par cet étang et c'était la dernière journée de terrain en compagnie de nos carotteurs de l'extrême Pierre et Fabien. Ils quittent le bateau le 5 juillet mais auront rendu de bons et loyaux services pendant cette première quinzaine de jours de campagne.

Nous devons maintenant quitter les îles du nord (Saint-Martin, Anguilla et compagnie) pour rejoindre Pointe-A-Pitre: un transit d'une 20aine d'heures annoncées comme mouvementées et effectivement à peine a-t-on quitté le large de Saint-Martin que l'ANTEA commence à tanguer. Le manège démarré, Maude et Louise quittent la table à peine l'entrée servie pour aller s'allonger, shootées au MerCalme. Une partie de l'équipe suit rapidement pour une nuit pas des plus reposante.